Si Jean Cocteau fut le prince de l'oxymore: cette figure de style qui marie des mots contraires, pour leur donner force et relief tels: "douce violence" " obscure clarté" l'épine noire en est incontestablement la princesse.
Blanche par ses fleurs, noire par ses rameaux et de surcroît par ses fruits en automne !
Mais l'oxymore ne se limite pas à cette opposition:
L'épine noire ou prunelier apporte de la crème à un moment où le printemps n'est pas vraiment installé.
Les assauts de l'hiver se font toujours sentir, les arbres demeurent exsangues, l'air est vif et tranchant, à l'instar du jaune dur et sans mélange des forsythias.
Par ailleurs, les fleurs blanches et délicates de l'épine noire sont de la dentelle dans les armées d'épines, et nous n'hésterons pas à parler de "hautes friches armées"
L'épine noire exibe ses fleurs avant ses feuilles, ce qui suffit à la différencier de l'épine blanche ou aubépine, laquelle fleurit plus tard.
L'épine noire habite sans modération les friches et les haies du bocage Avesnois, qui abritent en leur sein les délicieux mousserons.
La Rouss'pinette, est un apéritif concocté à partir de jeunes pousses "d'épine noire" (prunelier ou "Prunus spinosa"), cueillies juste après la floraison.
Cueillies au début du printemps, elles macèreront pendant quelques mois dans du vin rouge ou du vin blanc additionné d'un peu de gnôle maison si possible et révèlera avantageusement la température éthylique de notre Rouss'pinette , jusqu'à l'élever au rang de boisson d'homme.
Le charme de l'élaboration de la Rouss'pinette réside dans les différentes étapes de sa fabrication: la cueillette des jeunes pousses de par les haies du bocage, mais surtout la distillation clandestine de l'aicool (pommes, poires prunes).
Une tradition qui, hélas, tombe en désuétude.
Car la Rouss'pinette est d'abord un pied de nez aux autorités de la part des bouilleurs de crus clandestins.